Ouvrage Chants Partitions Illustrations Extra Achat en ligne

Préface

Partout où l’on chante...

De longue date, les étudiants de Louvain se sont taillé forte réputation de chanteurs et de guindailleurs. A telle enseigne que le 3 janvier 1447 - la jeune université vient de fêter ses 22 ans  ! - un décret de Charles le Téméraire stipule à l’intention toute particulière des studiosi qu’ « après le dernier coup de cloche, il est interdit de faire le tour des brasseries, des maisons de tolérance ou autres endroits peu avouables ». L’article 7 précise même qu’afin de sauvegarder le calme des études, les statuts de l’université contiendront toujours une réglementation sévère contre les « coureurs de nuit ».

Les « coureurs de jour » ne se défendent pas mal non plus puisqu’un règlement disciplinaire de la faculté des Arts indique, en 1513, que dorénavant les étudiants ne pourront plus brutaliser les professeurs pendant les cours, ni apporter des fruits, soit pour les manger, soit pour en bombarder leurs collègues ou le professeur, mais qu’au contraire ils devront faire attention, écrire et apprendre quelque chose… Même Érasme, dit-on, était bien au fait des traditions locales puisqu’on lui prête ce propos révélateur : « Louvain est pleine de débits de boisson ; rien ne s’y fait sans libations ».

Rien ne s’y fait non plus sans chansons comme en atteste ce tout nouveau recueil publié par l’Ordre Académique de Sainte Barbe qui entend se montrer digne de ses illustres prédécesseurs et placer sa démarche sous la houlette de quelques grands saints protecteurs des étudiants comme Saint Eloy, Saint Aubain, Saint Georges, Saint Thomas, sans oublier Sainte Héloïse, Saint Abélard, Saint Rabelais ou Saint Villon...

Je ne sais pas si Le Bitu Magnifique aidera les étudiants d’aujourd’hui à progresser en sainteté, à mieux connaître Érasme, à « écrire » et à « faire attention » mais il leur apprendra certainement quelque chose et les encouragera, je l’espère, à se montrer fiers de leur institution en perpétuant le meilleur du folklore « calotin ». Un folklore plein d’humour, évidemment, mais qui encourage aussi l’accueil, la fraternité, et fait chanter la solidarité.

Lors de leur Visite dans notre belle contrée, en 1617, les Archiducs Albert et Isabelle se préoccupèrent beaucoup des excès du folklore étudiant. Ainsi, pas question de chanter en rue et même de s’y promener et encore moins d’entrer dans un débit de boisson après 21 heures, « sauf en compagnie d’un docteur ou d’une "personne sérieuse". » Heureusement, deux cents ans plus tard, Goethe, l’écrivain et poète allemand, qui disait tenir de son père une « conduite sérieuse » et de sa mère une « nature joyeuse » vient encourager tous les pratiquants du Bitu Magnifique en leur disant avec simplicité  : « Partout où l’on chante, tu peux entrer ».

Gabriel RINGLET
Vice-recteur aux affaires étudiantes de l'UCL